DE AMOR DESESPERADO (1998)

 

Six mélodies pour mezzo-soprano & piano
Sur des poèmes argentins de Silvina Ocampo

 

Durée : 17 minutes 25
Editions Durand, Paris

  1. 1. Castigo (1'20)
    (Châtiment)
  2. 2. Sobe la arena (1'50)
    (Sur le sable)
  3. 3. La cascada (3'30)
    (La Cascade)
  4. 4. La amazona (1'10)
    (L'Amazone)
  5. 5. El ultimo suspiro (4'30)
    (L'Ultime soupir)
  6. 6. Injusticia (5')
    (Injustice)

Cette œuvre à été écrite à la demande de Laurent Cuniot pour l'Ensemble TM+.

 

Fondé sur des textes de la poétesse argentine Silvina Ocampo (1903-1993), ce cycle de six mélodies présente une vision extrêmement pessimiste de l'amour qui, comme dans le mythe de Tristan, renvoie inexorablement à la mort. La passion est ici synonyme de douleur, et la mort apparaît comme la seule solution existante pour apaiser les tourments intérieurs. Les poèmes restent ambigus sur les causes de ce désespoir. Mais leur intérêt dramatique se situe ailleurs, notamment dans l'opposition violente et subite entre des phrases sereines et la cruauté de certains mots.

Pour recréer cet antagonisme avec des notes et des sons, Yves Prin installe dans la plupart des pièces un continuo sombre et inquiétant. Ce procédé d'écriture se charge d'un sens différent selon les mots que prononce la voix. Entre stabilité et crise, entre sérénité et désordre, l'ostinato synthétise les multiples atmosphères qui caractérisent ces poèmes, passant sans cesse d'Eros à Thanatos.

 

Dans la grande lignée du lied allemand ou de la mélodie française, Yves Prin donne à chacune des pièces une cohérence musicale forte, créant la diversité par des variations du matériau initial. Contrairement à Schoenberg qui avait dissocié les timbres avec un effectif similaire dans la Suite Opus 29, le compositeur s'est orienté vers une fusion des différentes parties.

Dans Castigo (Châtiment), l'emploi d'harmoniques aux cordes renvoie directement au balancement langoureux des Poèmes de Mallarmé de Ravel, bien que le sombre thème d'accords et le grincement du trio violon/alto/violoncelle sur les mots <templo oscuro> font basculer l'écoute dans un univers bien différent. Sobre la Arena (Sur le sable) est une pièce lancinante et mobile ; l'évocation de visions fugitives comme "les reflets et la lumière de la mer" est mise en valeur par d'insaisissables trémolos rapides. La Cascada (La Cascade) est fondée sur plusieurs éléments musicaux qui traduisent tour à tour les calmes flots et l'angoisse latente. A partir de ce moment, la musique va devenir plus heurtée, plus verticale, moins linéaire. La pulsation reprend son droit sur le temps lisse de l'ostinato dans La Amazona (L'Amazone), El ultimo suspiro (L'Ultime soupir) et lnjusticia (Injustice).

 

En fait, le cycle est articulé dans sa globalité par des contrastes d'atmosphères évidents à l'écoute. Si Yves Prin modifie le matériau de base dans chaque mélodie pour servir la dramaturgie des différents poèmes, il considère aussi l'ensemble comme une entité instable. Les six mélodies prennent sens dans la question des systèmes compositionnels, le déploiement de la ligne vocale conservant une certaine autonomie par rapport au décor sonore dressé par les sept instruments.

[ Bruno Montovani ]

»» Version originale pour mezzo-soprano & ensemble instrumental (1998)

»» Version pour chœur a capella (2005)

  • Création mondiale le 28.10.1998
    à Paris, Radio France, Studio 106
    France Musiques, Émission publique <Scène ouverte> (Stéphane Goldet)
    par Sylvie Sullé, Claire Désert
  • Reprise le 15.04.2000
    à Notre-Dame de Mont (Vendée)
    par Sylvia Marini, Dimitris Saroglou
  • Reprise le 18.10.2000
    à Nanterre, Maison de la Musique
    par Sylvia Marini, David Abramovitz
  • Reprise le 01.12.2000
    à Paris, Place du Colonel Fabien
    par Sylvia Marini, Dimitris Saroglou
  • Création russe le 19.09.2004
    à Moscou (Russie), Festival Pont Alexandre III, Musée Tolstoï
    par Hélène Delavault, Bertrand Chamayou
  • Reprise le 09.07.2006
    à Écouen, Château, Festival du Vexin
    par Sylvie Sullé, Dimitris Saroglou

I. Castigo

Transformará Minerva tus cabellos
en serpientes y un día al contemplarte
como en un templo oscuro, con destellos,
seré de piedra, para amarte.

II. Sobre la arena  

Quisiera penetrar en los hondos reflejos,
penetrar en la luz de esos grandes espejos
que forma en sus orillas el mar en las arenas
y en sus profundidades horizontales, lejos,
morir, vivir apenas.

III. La Cascada  

¡ Ah, recuerdo en la luz de una cascada,
los cristales del agua derramada,
cuando de las montañas la distancia
rasgaba el velo azul de la fragancia !
Escuché entre las piedras los rumores,
precipitados, quietos, de las ondas,
y comtemplé en las soledades hondas,
el amor entre espinas y entre flores.

IV. La amazona  

Amazona furiosa, desmembrada
en el llanto de Aquiles lamentada,
tus amputados brazos,
transformados en lazos,
al corazón de Aquiles anudados,
con reproches, quedaron abrasados.

V. El ultimo suspiro  

Si de mi vida el último suspiro
termina con la noche de mi muerte,
si no queda en mis versos un retiro
para amarte en el tiempo y conocerte ;
 
si de nuestras palabras el espacio
no guarda un eco místico y profundo
que arrebate en las sombras el topacio
de la luz de los soles de este mundo ;
 
tendré razón de creer que yo he soñado,
que la vida no es más que este momento
que los otros no existen y que el lento
 
transcurso de los siglos no ha pasado ;
que entre datos históricos falaces
somos de Dios, de un sueño, meras fases..

VI. Injusticia  

Ya que la enfermedad puede matar -
la infección o la herida en un momento -
¡ ah, por qué no me mata el sufrimiento
ya que viviendo muero sin cesar !
Dentro del corazón al escuchar
los golpes de la sangre como el viento
siento que la esperanza vanamente
mintiéndome me hace resucitar.

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