LA COLLINE D'ARASHIYAMA (2006)

 

Mélodie pour soprano & piano
Sur un poème de Michèle Venture

 

 

à Michèle Venture

Durée : 15'
Inédit

  1. 1. Prologue
  2. 2. Printemps
  3. 3. Été
  4. 4. Automne
  5. 5. Hiver
  6. 6. Épilogue

 

 Il s'agit de la cinqième mélodie écrite sur un poème de Michèle Venture, les quatre premières étant réunies dans un cycle : Quatre Haïkaï (soprano & piano).

J’ai souhaité récidiver et composer cette fois une grande mélodie sur le texte « La colline d’Arashiyama ». Je suis séduit par ce que Michèle Venture écrit parce que sa pensée est limpide, parce qu’elle dit les choses sans détour, à la fois avec une pudeur extrême et avec une grande sensibilité. J’aime sa poésie.

 

Cette œuvre est la quatrième commande de l’Ensemble In & Out que dirige Thierry Ravassard. Elle est écrite pour soprano et piano et dure une quinzaine de minutes.
Elle comporte un prologue, quatre saisons et un épilogue.

 

Le Prologue est d’abord parlé sur une résonance de sons graves ou de sons étouffés destinés à créer un climat d’attente, de temps qui passe : Murashaki Shikibu retrouve la maison de la colline d’Arashiyama dans laquelle elle a vécu il y a dix siècles. Vivra-t-elle à nouveau les quatre saisons dans l’attente du jeune homme qu’elle aimait ?
La deuxième partie du Prologue est une longue phrase chantée qui suit une courbe ascendante et descendante – « Laisse flotter ton âme ». L’accompagnement est fluide et emprunt d’une harmonie simple et quasi répétitive – « Ton corps évanescent, ton ombre parfaite, c’est notre harmonie ».

 

La première saison – Printemps – arrive sur la colline d’Arashiyama avec ses moments de douceur en osmose avec la jeune fille, âme de la maison ; ses orages soudains ou l’apparition du jeune homme « qui ne viendra pas ». Deux thèmes en alternance constituent la structure de cette première saison : un continuo lent et doux contraste avec le jaillissement d’épisodes mouvementés et rapides allants jusqu’à l’éclatement.

 

La deuxième saison – Été – succède avec son souffle chaud, ses nuits étoilées, et la tristesse de Murashaki Shikibu qui pense « au corps jeune et vigoureux du jeune homme qui ne viendra pas ». Elle comporte un thème unique traité comme une barcarolle. Un balancement régulier décrit une succession de voûtes en forme d’ogives.

 

Un premier thème d’espoir pour traiter en force l’arrivée de la troisième saison – Automne. Puis un second, fluide et aérien pour suggérer la chevelure dénouée de Murashaki Shikibu ou la brise d’automne. Le troisième thème évoque la tristesse et la disparition de la verdure – « N’est plus le le tapis des floconneux sakuras. Les feuilles sont sèches ».

 

Hiver. Trois thèmes. Le premier pour situer l’univers glacé de la quatrième saison – « Ta main fragile… caresse le vide » ou encore « Une ombre flotte autour de ton corps brisé ». Le second thème, en forme de choral, pour évoquer « La ville intemporelle – son nom est Kyoto », ou bien « Tes yeux n’ont plus de larmes » ou encore « Le feu assoupi… te réchauffe à peine ». Le troisième thème est une ligne épurée qui se déroule et s’étire lentement – « Ton corps s’amenuise… tu t’assoupis ».

 

L’Épilogue est un rappel à l’identique du prologue – « Je donne ma vie pour que tu renaisses ma douce et belle » (Murashaki Shikibu). Et enfin : « Et il s’avance, et s’ouvrent ses bras pour t’enlacer tendrement ».

[ Yves Prin ]

  • Création mondiale le 07.10.2006,
    à Kyoto (Japon), Barock Saal
    par Kaori Kizawa et Thierry Ravassard
  • Reprise le 12.10.2006
    à Osaka (Japon), Phenix Hall
    par Kaori Kizawa et Thierry Ravassard

I. Prologue 

[Parlé] : Murashaki Shikibu habite la colline d’Arashiyama.
Elle la retrouve après dix siècles.
Elle a vécu là - dans cette maison -
l’osmose de deux femmes
qui se rejoignent dans le temps,
qui se fondent et se confondent
dans la « Colline d’Arashiyama.
Elle a vécu les 4 saisons
dans l’attente du jeune homme qu’elle aimait.
Attente sans espoir.
Printemps, été, automne, hiver.
Puis il est venu.
Elle écrivait : [chanté]

« Je te donne ma vie pour que tu trouves
avec ce jeune homme ce que j’ai vécu.
Seras-tu épanouie ainsi que je le fus ?
L’été si humide
assouplira ta chair rose
la faisant plus douce.
Ton corps évanescent,
ton ombre parfaite,
c’est notre harmonie.
Laisse flotter ton âme. »

 

II. Printemps 

1. Tu es suave
comme la fleur du prunier
Tu as sa blancheur
2. Tu vas revivre
Tu vas revenir ici
dans cette maison
3. Arashiyama,
la colline de l’orage.
Orage, passé.
4. Bonjour jeune fille,
Murashaki Shikibu
endormie sous le prunier
5. Tu es son âme
l’âme de cette maison
qui te veut garder
6. Le jeune homme apparaît
te regarde éperdument…
et toi, le vois-tu ?
7. Et vous vous cherchez
si beaux si désespérés
sans vous rencontrer
8. Triste est son regard
Tu cherches une présence
qui ne viendra pas.

 

III. Été 

1. Tu soupireras
de lassitude languide
sous le souffle chaud
2. Tes nuits seront vides
sous le souffle chaud
en attente de fraîcheur.
3. Et tu songeras
au jeune homme si tendre
qui ne viendra pas.
3. Les nuits étoilées
te paraîtront sans couleur,
tant ton cœur est triste.
4. La voie lactée
sera trop blanche et fade
pour tes yeux si las.
5. Sous la voûte du ciel,
tu penseras à son corps
jeune et vigoureux.
6. Et tu l’imagines
toujours si près de toi
que coulent tes pleurs.
7. Tes larmes glissent,
éperdument triste
tu t’endormiras.

IV. Automne 

1. Mais l’espoir est là
pour la nouvelle saison
qui va ressurgir.
2. Et s’allongera
ta noire chevelure
libre des rubans.
3. Et tu reviendras
dans la maison qui t’attend
si impatiemment.
4. N’est plus le tapis
des floconneux sakuras.
Les feuilles sont sèches
5. Tons verts éteints,
roses transparentes,
déliquescentes.
6. Le vert les dispersera
sur le tatami obscur
qui les recevra
7. Nouveau lit souple
amené par les brises
d’un automne frais.
8. Penses-tu toujours
au jeune homme du printemps
qui n’est pas venu.

V. Hiver 

1. Ton âme espère.
tes yeux n’ont plus de larmes
mais toujours ouverts
2. Ouverts au ciel clair
de la ville intemporelle
son nom est Kyoto
3. Ta main fragile
et tendue vers le lointain
caresse le vide
4. Des tisons éteints
ne viennent plus les senteurs
Ton corps s’amenuise
5. Tu es assise
et toujours en attente
auprès du foyer
6. Le feu assoupi
dont les braises sont tendres
te réchauffe à peine
7. Une ombre flotte
autour de ton corps brisé.
Serait-elle lui ?
8. Tes yeux se ferment,
tes forces t’abandonnent
et tu t’assoupis.

VI. Épilogue

Je donne ma vie
pour que tu renaisses
ma douce et belle
pour renaître dans la maison d’Arashiyama
où le jeune homme t’attend
son regard tourné vers toi
Tes mains se tendent vers lui
Ton regard brille
de son éclat retrouvé
et il s’avance
et s’ouvrent ses bras
pour t’enlacer tendrement

[parlé]
La cinquième saison ou l’éternité.