SONGES DE L'OBSCUR (2004-2005)

 

Cinq mélodies pour baryton & piano
Sur des poèmes de Jean-Pierre Siméon

 

à François Leroux (et Noël Lee : 5e mélodie)
Durée : ~ 20'
Inédit

  1. 1. L'Enfant déjà (4'30)
  2. 2. D'une source épousée (2'30)
  3. 3. L'Œil du rêve (4')
  4. 4. Aube d'innocence (5')
  5. 5. Tu as marché contre le vent (4')

Il s'agit du deuxième cycle de mélodies composé sur des poésies de Jean-Pierre Siméon.

 

Il rassemble cinq poèmes extraits de deux recueils distincts : <Fresque peinte sur un mur obscur> et <Le Bois de hêtres>, publiés chez Cheyne Éditeur.

La dernière mélodie <Tu as marché contre le vent> a tout d'abord été écrite pour le quatre vingtième anniversaire du pianiste Noël Lee à qui elle est dédiée.

Elle a été créée à cette occasion au Centre International de la Mélodie Française dirigée par François Le Roux, par le baryton Patrice Verdelet et le pianiste Alexandre Tharaud. Les quatre autres sont dédiées à François Le Roux.

[ Yves Prin ]

  • Création mondiale de <Tu as marché contre le vent> le 09.01.2005
    à Tours, Centre International de Congrès Vinci, Académie Internationale de la Mélodie Française, à l'occasion du concert organisé pour les 80 ans de Noël Lee
    par Patrice Verdelet et Alexandre Tharaud

 

I. L'Enfant déjà

Les amants dehors, la pluie les ignore,
dehors où l’ombre pourrit, où s’amassent
sur les tombes les étoiles usées d’un mauvais jour,
les pétales d’un feu, couronne déchirée.
Un peu, à la folie, pas du tout : l’enfant déjà
comptait l’avenir sur ses doigts.
Là, les assassins sont sans regard, ils avancent
comme le couteau dans la plaie comme
la flèche d’un nuage dans le bleu du ciel.
Ah, pitié pour la douleur et pitié pour les corps
qu’on versa au fossé
avec la pluie.
Les amants,
dans leur chambre
amassent les plumes du soleil
et luttent avec le jour.
Dehors, l’enfant :
t’en souviens-tu, dit-il,
t’en souviens-tu, ma mort,
nous étions de ce monde…

[Poème extrait de <Le Bois de hêtres> (p. 33) © Cheyne Éditeur, 1998]

II. D'une source épousée  

Quand tu viens à moi
en ces heures les plus ordinaires
en ces lieux du simple, du froid et de l’oubli
où les foules fuient d’un pas lisse
entre les murs

tu marches belle
belle durée de l’autre côté du temps
au bord dirait-on d’une source
é pousée et intacte

et l’obscur qui nous prend aux épaules
— telle une énigme d’une nuit ancienne et douce —
il est comme ce vent qui revient sur lui même
pour nous surprendre

à ce manque obscur alors
nous appartenons
l’amour dans la rue nous efface
et notre baiser
dans le plein temps du monde
est une lenteur infinie

[Poème extrait de <Fresque peinte sur un mur obscur> (p. 50) © Cheyne Éditeur, 2002]

III. L'Œil du rêve  

Sous une nuit très brusque
j’avançais pas à pas
la corne du vent cherchait sa mort
aux façades

mais ce n’était rien
j’avais le cœur d’un amant
celui qu’un ange prend aux hanches
et fait voler dans les ciels de Chagall

Faut-il dire le vrai ?
j’étais insoucieux des cadavres du soir
l’œil chaudement fermé sur son rêve

j’inventais un pays suspendu
dont la langue et la promesse
seraient le corps de la femme que j’aime
mes mains joyeuses
creusaient un puits
dans l’air extrême

le monde par ailleurs
continuait sur sa peau sèche
et tant pis
j’en ignorais la mort

[Poème extrait de <Fresque peinte sur un mur obscur> (p. 57) © Cheyne Éditeur, 2002]

IV. Aube d'innocence  

Jeunesse, tu as la faveur des chambres
et l’obéissance des chemins.
Tes chemises sont répandues, tes gestes
n’ont pas de suffisance.
Nulle de nos armes dérange ta beauté :
le buisson du sang n’écœure pas l’émeute.
Les vents te sont fidèles
et l’aube lève sur toi
un geste sans visage.
Je sais les rues que tu creuses dans l’hiver
et ton cri pareil à la tourmente des oiseaux.
Je sais ta haine de nomade,
comme tu fais un crime des voluptés du soleil,
ton innocence de rameau
et sa trace verte dans le renversement des cités.
On meurt coupable dans ton ruissellement de vignes,
vague boulée contre le mur.

[Poème extrait de <Le Bois de hêtres> (p. 65)
© Cheyne éditeur, 1998]

V. Tu as marché contre le vent  

Tu as marché contre le vent,
tu l’as entendu gémir dans son enfance
et hurler sa question.
Tu as changé de corps en changeant d’ombre.
Une fois au moins tu as ouvert ta fenêtre après la nuit.

Tu ne peux plus douter de ta jeunesse.
Le ciel descend vers toi
comme la douceur du saule cherche la rive.

Il te suffira désormais d‘apprendre à dire bonjour
aux lèvres de la morte
et de chercher dans sa mémoire
le corps léger,
le peu de vie
que la vague peut-être a posé sur le sable.

Et tu chercheras dans son regard fermé
un songe au goût de flûte traversière.
Le sens qu’énonce la tragédie des vagues.

[Poème extrait de <Le Bois de hêtres> (p. 70)
© Cheyne éditeur, 1998]