ABISMOS (2004-2005)

 

Cinq mélodies
Sur des poèmes argentins de Silvina Ocampo

 

[poèmes extraits des « Poèmes d’amour désespéré »
traduction de Silvia Baron Supervielle
(Poema de amor desesperado)
Collection "Ibériques"
© Librairie José Corti 1997]
11 rue de Médicis - 75006 Paris
N° d'édition : 1377
ISBN 2-7143-0596-2

I. Inmortalidad

¡ He muerto tantas veces, oh mi amado,
con un dolor insólito en mi pecho !
He muerto tantas veces en mi lecho
de oscuridad, de amor desesperado,
que tal vez una muerte verdadera
me desdeñe como a esta enredadera
que mataron en vano, sin piedad,
y que surge en la dura soledad
con sus desesperadas flores rojas,
en la sombra furiosa de sus hojas.

II. Si no me amas  

¡ Oh torcazas cantando en los vestíbulos
de la muerte ! El jazmín perfuma en vano
los labios de las brisas del verano.
Como en la noche oscura de un prostíbulo

busco el falaz amor en las tinieblas.
En una habitación, sin tus retratos,
odiándote cometo asesinatos
¡ oh regiones de limbos y de nieblas ! 

Vuelven los pájaros entre las hojas
y se abre como un lago azul el suelo.
Iluminam las sombras flores rojas.

Oigo crecer los árboles del cielo,
pero todo es de polvo si no me amas  :
del color de la muerte de las ramas.

III. Mátame  

Mátame, espléndido y sombrío amor
si ves perderse en mi alma la esperanza ;
si el grito de dolor en mí se cansa
como muere en mis manos esta flor.

En el abismo de mi corazón
hallaste espacio digno de tu anhelo,
en vano me alejaste de tu cielo
dejando en llamas mi desolación.

Contempla la miseria, la riqueza
de quien conoce toda tu alegría.
Contempla mi narcótica tristeza.

¡ Oh tú, que me entregaste la armonía ! Desesperando creo en tu promesa.
Amor, contémplame, en tus brazos, presa.

IV. El Olvido  

Desesperado amor, buscas olvido
como buscan la luz las mariposas
en el fulgor del fuego entristecido.
Yo siento que al sufrir en mí te posas
como en esos escuálidos jardines
donde canta la voz de una torcaza
perdida en la cornisa de una casa
doliente, en la ciudad, entre jazmines.

V. El Río y las rosas  

Lleguemos a la orilla de ese río
donde las brisas mecen el follaje
de los sauces dormidos del paisaje
que buscan en la sombra del estío

las frescuras del agua misteriosas.
Hundamos nuestras manos en las ondas
y en el tumulto de las hierbas hondas
besemos nuestros labios en las rosas.

I. Immortalité

Je suis morte tant de fois, o mon aimé,
d'une douleur insolite dans ma poitrine !
Je suis morte tant de fois dans mon lit
d'obscurité, d'amour désespéré,
que peut-être une mort véritable
me méprisera-t-elle comme ce volubilis
qui sans pitié en vain fut anéanti,
et qui resurgit dans la dure solitude
de ces fleurs rouges en détresse,
dans l'ombre furieuse de ses feuilles.

II. Si tu ne m'aimes pas

Ô chant de tourterelles dans les vestibules
de la mort ! Le jasmin embaume en vain
les lèvres des brises de l’été.
Comme par la nuit obscure d’un bordel,

je cherche l’amour fallacieux dans les ténèbres
Dans une chambre, sans tes portraits,
je commets, te haïssant, des meurtres
ô régions de limbes et de brumes !

Les oiseaux reviennent entre les feuilles
et le sol s’ouvre comme un lac bleu.
Des fleurs rouges illuminent les ombres

J’entends les arbres du ciel grandir,
mais tout se fait poussière si tu ne m’aime pas :
de la couleur de la mort des branches.

III. Tue-moi  

Tue-moi, splendide et sombre amour,
si tu vois dans mon âme s’égarer l’espérance,
si le cri de douleur en moi se lasse,
comme dans mes mains succombe cette fleur.

Dans l’abîme de mon cœur
tu trouvas un espace digne de ton attente,
en vain de ton ciel tu m’éloignas
laissant en flammes ma désolation.

la misère, la richesse
de qui connaît toute ta joie.
Contemple mon hypnotique tristesse.

¡ O toi qui me fis don de l’harmonie !
Je crois sans espérance en ta promesse.
Amour contemple-moi, dans tes bras, prisonnière.

IV. L'Oubli 

Amour désespéré, tu cherches l'oubli
comme les papillons recherchent la lumière
dans la fulguration du feu mélancolique.
Je sens que ta souffrance en moi se pose
comme sur ces chétifs jardins
où chante la voix d'une tourterelle
perdue sur la corniche d'une maison
abîmée de la ville, entre jasmins.

V. Le Fleuve et les roses 

Rejoignons la rive de ce fleuve
où les brises bercent le feuillage
des saules endormis du paysage,
qui cherchent dans l'ombre de l'été

les fraîcheurs mystérieuses de l'eau.
Plongeons nos mains dans les ondes,
et dans le tumulte des herbes profondes,
baisons sur les roses nos lèvres.